Le Doi Mae Salong (ดอยแม่สลอง) se trouve au coeur du Triangle d’Or, dans le Nord de la Thaïlande, aux portes de la Birmanie (Myanmar).
Proche de son sommet (qui culmine à plus de 1360m), se trouve la ville de Santikhiri (สันติคีรี), que l’on appelle également Mae Salong, et qui s’étend entre les vallons.
Entourée de collines fertiles, la zone est aujourd’hui encensée pour ses plantations de thés, produisant notamment des thés oolong très qualitatifs.
Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Thé d’Asie vous propose un voyage dans le temps pour comprendre l’histoire du Mae Salong…
De la guerre civile chinoise au trafic d’opium
Pour comprendre l’histoire du Mae Salong, il faut remonter en 1949, à la toute fin de la guerre civile chinoise : Mao Zedong et son parti communiste assoient leur pouvoir sur toute la Chine.
Les actions militaires contre l’armée révolutionnaire sont vouées à l’échec et le retour en Chine impossible.
La 93e division de l’armée nationaliste chinoise (et plus précisément le 3ème et le 5ème régiment, comptant plus de 12 000 hommes) refuse de se rendre aux communistes, et décide de fuir vers les jungles birmanes depuis la région de Yunnan (Sud de la Chine).
Cette force dissidente fut d’abord soutenue par Taiwan et les Etats-Unis, mais les tensions diplomatiques que cela généra rendirent rapidement ce soutien problématique, notamment à cause de l’amélioration des relations entre la Birmanie et la Chine communiste, et de l’ambivalence des Etats Unis à l’égard de ces nationalismes.
En 1961, une partie des hommes souhaitant rester en Birmanie et l’autre souhaitant émigrer vers la Thaïlande, les forces nationalistes sont démantelées et dissoutes.
Quelque 4 000 soldats, épuisés par les combats, émigrent vers le sanctuaire montagneux du Mae Salong, en Thaïlande.
En échange de l’asile, le gouvernement thaïlandais les autorise à rester, à condition qu’ils aident à maintenir l’ordre dans la région, notamment contre les infiltrations communistes.
Les soldats installés à Mae Salong décident de conserver ce lieu comme base militaire.
Ils financent alors leurs achats d’armes par la production d’opium et côtoient le célèbre chef de guerre et baron de la drogue birman Khun Sa. En raison de terres difficilement accessibles, cette zone reste coupée du monde extérieur, ce qui permet à ce dernier de prospérer et de développer ses activités sans être inquiété.
Selon un rapport de la CIA datant de 1971, Mae Salong est alors l’une des plus grandes raffineries d’héroïne de l’Asie du Sud-Est.
De renégats à producteurs de thé, café et autres cultures agricoles…
Dans les années 1970, le gouvernement thaïlandais conclut un accord avec les soldats : s’ils aident à combattre les insurgés communistes thaïlandais, ils obtiendront en échange la légitimité et la citoyenneté thaïlandaise.
Une clause du contrat prévoit notamment que les soldats doivent cesser de produire de l’opium, au profit de la culture de champignons, maïs, arbres fruitiers, café et surtout du thé, qui reste aujourd’hui la principale production de Mae Salong.
Des affrontements violents ont lieu dans les montagnes voisines (Doi Laung, Doi Yaw, Doi Phamon et Mae Aabb), mais les soulèvements communistes sont contrés avec succès.
Il faudra attendre jusqu’en 1982 pour que la vie normale reprenne à Mae Salong. Les soldats rendent les armes et sont libérés : en récompense de leurs services, le gouvernement thaïlandais accorde la citoyenneté à la plupart des soldats et à leurs familles.
Khun Sa (le fameux baron de la drogue), quant à lui, vit toujours dans ces montagnes.
Ce n’est qu’à la fin des années 1980, après que son armée est finalement mise en déroute et repoussée par l’armée thaïlandaise au-delà de la frontière avec la Birmanie, que le gouvernement thaïlandais met en place des plans de substitution des cultures et donne un nouveau nom à la zone.
Santikhiri (สันติคีรี), qui signifie « colline de la paix », est introduit par le gouvernement thaïlandais dans le but de dissocier la région de son ancienne image de productrice d’opium.
Un nouveau départ et une ouverture au tourisme
Depuis 1994, Santikhiri a capitalisé sur son histoire unique et est devenue touristique, avec ses rues étroites et sinueuses bordées d’auberges, de magasins de nouilles et de boutiques de thé.
Les anciens soldats poursuivent paisiblement leur vie, mais conservent leur identité chinoise. D’ailleurs, la principale langue parlée reste le yunnanais.
Parmi leurs descendants nés sur place, certains ont fait le choix de l’adoption d’une identité thaïlandaise et ne s’identifient plus à leur ascendance chinoise.
Les programmes de substitution des cultures ont été de grands succès : on compte aujourd’hui plus de 101 plantations de thé réparties dans les montagnes de cette région, surnommée aujourd’hui “La petite Suisse” à cause de son altitude et de ses paysages d’inspiration “occidentale”.
Santikhiri produirait annuellement 200 tonnes de ce thé, distribuant 80 % de sa production dans toute la région de Chiang Rai, dans le nord de la Thaïlande.
Le Doi Mae Salong est tout simplement parfait pour la culture du thé : l’altitude, la topographie et le climat, dans des conditions similaires à celles des régions de culture taïwanaises (d’où les théiers ont été importés) permettent la culture de thés verts d’une finesse incomparable, de thés oolong aux palettes variées et, plus récemment, de thé noir.
La région produit également un certain nombre de thés naturellement parfumés, comme le thé au jasmin, le thé au riz ou encore le thé au ginseng.
Voici comment, après de longues décennies de souffrance, d’incertitude et de peur, cette région, perdue dans les montagnes au nord de la Thaïlande, a su se relever, s’ouvrir et se spécialiser dans des produits haut de gamme et singuliers.
Thé d’Asie est fier de partager avec vous ce bout d’histoire et de culture à travers nos thés du Mae Salong.
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